mardi 24 novembre 2015

Conservation, mise en valeur et oubli

Article initialement paru en avril 2012

On ne peut pas tout conserver, sinon il faudrait vivre là où il n’y a ni vestige détecté, ni vestige entreposé, ce qui serait impossible dans notre vieille France. Le devenir du vestige dépend de nombreux facteurs, comme l’argent qu’il risque de coûter, la place qu’il occupe (souvent reliée à l’argent que ça coûte) et l’intérêt historique (selon les goûts des décideurs). Tout cela peut donc être très relatif… Les objets sont parfois maintenus sur place, parfois entreposés dans des locaux dédiés et parfois utilisés pour la déco, tout simplement.
Dans le fascicule des Naufrages en Languedoc-Roussillon qui traite du cas du Saint Lucien, j’avais noté la photo en noir et blanc montrant l’hélice de secours de ce cargo mise en évidence sur un socle de briques et de béton à l’entrée de Port-Vendres. Les années ont passé et très récemment j’ai eu envie d’aller voir ce qu’était devenu ce morceau d’épave remonté à la surface. Las ! Sur le bout de terrain où se trouvait le monument, un petit supermarché discount avait poussé ! Malgré des tours et des détours dans la ville, aucune trace de l’hélice, alors que nombre d’objets évoquant le passé militaire et marin sont utilisés pour la déco urbaine. En fait, l’hélice est toujours visible en extérieur, abandonnée dans un coin en friche.



Les canons (probablement d’époque napoléonienne) sont stockés là depuis au moins 4 ans. L’hélice est posée contre le bâtiment adjacent inoccupé.


La sangle qui a dû servir à la transporter n’a même pas été enlevée.


Les dimensions de l’objet sont impressionnantes. Elle mesure presque 4 m d’envergure. Au plus large, les pales font environ 80 cm. Son volume de métal donne une estimation d’environ 1 500 kg. Elle doit être sensiblement comparable à l’hélice encore en place sur l’épave. Il faudrait prendre les mesures de celles du Saumur, de l’Astrée et de l’Alice Robert pour comparer.


Je ne peux pas m’empêcher de me poser quelques questions : pourquoi l’hélice avait-elle été remontée à l’origine ? Si elle avait été jugée valable pour la déco à l’entrée de la ville, pourquoi plus maintenant ? Pourquoi l’avoir abandonnée en compagnie de canons bicentenaires dans cette friche ?
Cette hélice n’a pas de marque visible de provenance, d’appartenance (ou alors c’est bien caché). Sans son contexte, elle est anonyme. Sans traçabilité, ce n’est plus qu’une grosse hélice, un gros tas de ferraille. De même, l’ancre de secours du Saint Lucien, utilisée comme corps-mort, écartée de l’épave, doit être à présent une ancre anonyme quelque part au fond…
Quel est l’intérêt de cette hélice ? Bien sûr, c’est parce qu’elle provient d’une épave que je visite de temps en temps depuis des années que je lui trouve un intérêt. J’admets qu’une hélice d’un cargo de l’Entre-deux-guerres ne puisse pas présenter intrinsèquement un intérêt historique extraordinaire. Pourtant, elle a été remontée sans être fondue pour son alliage. Etait-ce simplement pour la décoration ?
A ceux qui lisent cet article, ces images sont là pour le souvenir, la conservation, la mise en valeur, mais pas l’oubli.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire