jeudi 24 décembre 2015

Il était une fois…


Article initialement paru en 2008.

Il en va des histoires comme du vent : qui peut dire d’où elles viennent ? L’inconnu imprègne de mystère les contours les moins nets de l’image que l’esprit forme à la suite des mots clés égrenés le long de phrases parfois ambiguës, jamais précises...

Depuis des mois, un souvenir dormait d’un sommeil agité dans la mémoire de Sylvain. Régulièrement, un prénom féminin revenait et parfois, tard le soir autour d’un verre entre amis, il confiait qu'il pensait à elle… Où était-elle à présent ? Qu’était elle devenue après ces années de disparition ? Et puis soudainement, il y a quelques jours, l’information est tombée brutalement : elle n’était pas loin, juste là… Enfin presque là… Un peu plus par là dirons-nous… C’était au petit matin. Pour Sylvain, la journée ne s’est pas écoulée, elle s’est étirée en longueur jusqu’à devenir aussi mince et robuste qu’un fil d’araignée, tellement tendue et tranchante qu’on aurait pu y couper un rêve en deux… En fin d’après-midi, il ne tenait plus : il fallait qu’il aille la retrouver…

Nous voilà donc Sylvain, Fabrice, Enzo, Ramoucho et moi longeant la côte catalane en cette fin de journée. Le soleil, encore haut, se reflète sur une mer calme d’un bleu profond.

 



Les indications de différentes sources ne pouvaient évidemment pas être d’une précision chirurgicale. Elle ne se livrerait pas si facilement. Pour la retrouver, il allait falloir encore un peu de patience et de chance. Après tout, Sylvain avait attendu quelques années, il pouvait bien accepter quelques instants de plus pour mériter la belle. Les yeux rivés sur le sondeur, nous ne voyons durant une dizaine de minutes qu’un profil aussi plat que l’électroencéphalogramme d’un plongeur narcosé au pays des bisounours. Enfin, une forme allongée se dessine ! Dormirait-elle couchée sur le côté ?

Second passage de repérage, marquage, largage de la gueuse, en quelques minutes Fabrice et moi nous sommes à l’eau. Nous descendons les premiers pour vérifier que ce n’est pas une roche trompeuse et qu’elle est bien là, juste en dessous de nous. L’eau est claire et chaude.

-18m, la thermocline est marquée.

-23m, nous entrons dans la soupe.

-30m, la descente se poursuit le long du bout que nous ne suivons désormais que grâce aux halos de nos phares.


Plus bas… : la gueuse est enfoncée dans la vase. La température est de 15°C et la visi est de l’ordre du mètre. A peine le temps de prendre le cap et nous tombons sur un enchevêtrement de plaques et cordages : elle est là !

 



Fabrice exulte et je partage son excitation : comment décrire cette prise de conscience immédiate que nous sommes très probablement les premiers à la rejoindre depuis son arrivée ici-bas ?

Il est difficile de se représenter la forme générale. La visi très réduite, l’enchevêtrement des structures et des nombreux filets rendent compliquée l’identification des parties.

 




L’épave constitue un récif artificiel grouillant de vie dans cette vaste plaine sous-marine à l’uniformité à peine perturbée par la verticalité des vérétilles turgescentes dressées sur quelques dizaines de centimètres.

 



Les spirographes sont groupés en bouquets encore plus nombreux que sur le Saint Lucien.

 




De grosses éponges se développent sur des plaques et poutres très exposées.

 



Autour de nous, ainsi qu’à l’intérieur de l’épave, les tacauds gardent leurs distances et fuient nos lumières, rendant presque impossible de révéler leur présence dans cette soupe épaisse de particules.

 



Accrochées aux filets, les comatules apportent leurs touches de couleurs vives dans cette ambiance glauque sur fond de gris et de verts.




Une autre semble s’être prise d’affection pour une ascidie blanche.

 



Il n’est pas nécessaire de fouiller bien longtemps pour apercevoir un congre, puis deux, puis trois, etc. Ils sont nombreux eux aussi.

 





Vient fatalement le moment où il faut entamer la lente remontée. Nous retrouvons la lumière, puis l’eau chaude.

 



Durant le palier, chacun peut se repasser le film de cette visite. Elle était bien là, juste en dessous. Elle y est toujours et l’envie de retourner la voir est évidemment lancinante, mais plutôt dans des conditions plus adaptées à la découverte…

 



Retour à la surface, remontée sur le bateau et rapides explications à Sylvain, Enzo et Ramoucho qui descendent sans tarder. A leur retour, la joie est générale sur le bateau : tout le monde s’est fait très plaisir. Ce n’est pas uniquement l’immersion, mais l’ensemble de l’histoire qui a produit cette sensation de plaisir intense.

 



Ça, c’est fait !

 

De retour au club, Caro prépare une petite douceur sucrée pour fêter ça, Sylvain sort d’on ne sait où une bouteille d’origine artisanale sans étiquette et la journée se termine tranquillement dans cette atmosphère conviviale où l’on évoque déjà le rêve de la prochaine à retrouver...

 



 

Il était une fois… Amandine

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