Article initialement paru en 2008.
Il en va des histoires comme du
vent : qui peut dire d’où elles viennent ? L’inconnu imprègne de
mystère les contours les moins nets de l’image que l’esprit forme à la suite
des mots clés égrenés le long de phrases parfois ambiguës, jamais précises...
Depuis des mois, un souvenir
dormait d’un sommeil agité dans la mémoire de Sylvain. Régulièrement, un prénom
féminin revenait et parfois, tard le soir autour d’un verre entre amis, il
confiait qu'il pensait à elle… Où était-elle à présent ? Qu’était elle
devenue après ces années de disparition ? Et puis soudainement, il y a
quelques jours, l’information est tombée brutalement : elle n’était pas
loin, juste là… Enfin presque là… Un peu plus par là dirons-nous… C’était au
petit matin. Pour Sylvain, la journée ne s’est pas écoulée, elle s’est étirée
en longueur jusqu’à devenir aussi mince et robuste qu’un fil d’araignée,
tellement tendue et tranchante qu’on aurait pu y couper un rêve en deux… En fin
d’après-midi, il ne tenait plus : il fallait qu’il aille la retrouver…
Nous voilà donc Sylvain, Fabrice,
Enzo, Ramoucho et moi longeant la côte catalane en cette fin de journée. Le
soleil, encore haut, se reflète sur une mer calme d’un bleu profond.
Les indications de différentes
sources ne pouvaient évidemment pas être d’une précision chirurgicale. Elle ne
se livrerait pas si facilement. Pour la retrouver, il allait falloir encore un
peu de patience et de chance. Après tout, Sylvain avait attendu quelques
années, il pouvait bien accepter quelques instants de plus pour mériter la
belle. Les yeux rivés sur le sondeur, nous ne voyons durant une dizaine de
minutes qu’un profil aussi plat que l’électroencéphalogramme d’un plongeur
narcosé au pays des bisounours. Enfin, une forme allongée se dessine !
Dormirait-elle couchée sur le côté ?
Second passage de repérage,
marquage, largage de la gueuse, en quelques minutes Fabrice et moi nous sommes
à l’eau. Nous descendons les premiers pour vérifier que ce n’est pas une roche
trompeuse et qu’elle est bien là, juste en dessous de nous. L’eau est claire et
chaude.
-18m, la thermocline est marquée.
-23m, nous entrons dans la soupe.
-30m, la descente se poursuit le
long du bout que nous ne suivons désormais que grâce aux halos de nos phares.
…
Plus bas… : la gueuse est
enfoncée dans la vase. La température est de 15°C et la visi est de l’ordre du
mètre. A peine le temps de prendre le cap et nous tombons sur un enchevêtrement
de plaques et cordages : elle est là !
Fabrice exulte et je partage son
excitation : comment décrire cette prise de conscience immédiate que nous
sommes très probablement les premiers à la rejoindre depuis son arrivée
ici-bas ?
Il est difficile de se
représenter la forme générale. La visi très réduite, l’enchevêtrement des
structures et des nombreux filets rendent compliquée l’identification des
parties.
L’épave constitue un récif
artificiel grouillant de vie dans cette vaste plaine sous-marine à l’uniformité
à peine perturbée par la verticalité des vérétilles turgescentes dressées sur
quelques dizaines de centimètres.
Les spirographes sont groupés en
bouquets encore plus nombreux que sur le Saint Lucien.
De grosses éponges se développent
sur des plaques et poutres très exposées.
Autour de nous, ainsi qu’à
l’intérieur de l’épave, les tacauds gardent leurs distances et fuient nos
lumières, rendant presque impossible de révéler leur présence dans cette soupe
épaisse de particules.
Accrochées aux filets, les
comatules apportent leurs touches de couleurs vives dans cette ambiance glauque
sur fond de gris et de verts.
Une autre semble s’être prise
d’affection pour une ascidie blanche.
Il n’est pas nécessaire de
fouiller bien longtemps pour apercevoir un congre, puis deux, puis trois, etc.
Ils sont nombreux eux aussi.
Vient fatalement le moment où il
faut entamer la lente remontée. Nous retrouvons la lumière, puis l’eau chaude.
Durant le palier, chacun peut se
repasser le film de cette visite. Elle était bien là, juste en dessous. Elle y
est toujours et l’envie de retourner la voir est évidemment lancinante, mais
plutôt dans des conditions plus adaptées à la découverte…
Retour à la surface, remontée sur
le bateau et rapides explications à Sylvain, Enzo et Ramoucho qui descendent
sans tarder. A leur retour, la joie est générale sur le bateau : tout le
monde s’est fait très plaisir. Ce n’est pas uniquement l’immersion, mais
l’ensemble de l’histoire qui a produit cette sensation de plaisir intense.
Ça, c’est fait !
De retour au club, Caro prépare
une petite douceur sucrée pour fêter ça, Sylvain sort d’on ne sait où une
bouteille d’origine artisanale sans étiquette et la journée se termine
tranquillement dans cette atmosphère conviviale où l’on évoque déjà le rêve de
la prochaine à retrouver...
Il était une fois… Amandine…
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